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Littérature d'Irlande,de Bretagne et aussi d'ailleurs
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10 mai 2008

GLENMOR : Les derniers feux de la vallée.

Glenmor

Les derniers feux de la vallée.
GLENMOR.
Note : 5 /5
Tout avait changé*
Roman datant de 1995, mais c'est pour moi une première lecture, j'écoutais Glenmor, mais je ne le lisais pas !Je ne suis rattrapé depuis heureusement .
Et aussi, lire ce livre plus de dix ans après sa parution, pour rendre hommage à Glenmor et à ceux qui ont redonné à la culture et à la langue bretonne ses lettres non pas de noblesse, mais ses racines paysannes.
La première page donne le ton du livre. Jud est parti sept ans en Indochine, il revient dans un pays qui n'est plus le sien. Les talus ont été supprimés, ce n'est que la partie la plus visible du changement qui s'est produit en Bretagne pendant ce court laps de temps!Il se souvient de l'année 1943, la mort de son frère tué par les Allemands, son envie de rentrer dans la résistance, mais ses parents l'obligent à finir sa scolarité au collègue à Saint Brieuc. Il revit sa dernière journée d'école suite à l'annonce du débarquement. Enfin admis dans la résistance, il en découvre la face cachée, les rapines et les violences, les dénonciations arbitraires, la bêtise d'hommes alcoolisés, souvent auto proclamés chefs de quelques énergumènes pour qui la participation à la résistance date du moment où ils ne craignaient plus rien!Sa naïveté et son jeune âge ne pourront pas éviter l'exécution sous ses yeux du « Petit homme », instituteur il fut jeter à la vindicte populaire, sa femme fut rasée. Son crime : avoir donné depuis des années des cours de breton à ses élèves ! Que sont devenus ces assassins qui bien sûr disparurent dans la nature?
Jud restera dans l'armée, il partira au Vietnam pour découvrir le sang, les massacres. L'évidence se fit jour pour lui, pour les Vietnamiens, nous étions des « Boches » et cette armée n'était plus la sienne. Le retour en Bretagne et à la vie civile était une des solutions qui lui restaient, et peut-être même la seule!
Fin février mille neuf cent cinquante trois, démobilisé , il est dans la cour de la ferme familiale, une autre vie l'attend, mais peut-on vraiment oublier le passé avec le souvenir de cette exécution dont même plusieurs années après il se sent toujours responsable? Faut-il remuer le passé, retrouver les témoins, prendre contact avec Leda, la veuve? Pour beaucoup cet homme mérite une réhabilitation. La question est, quel est le prix à payer? Et qui va le payer?
Jud Nestour, est un de ces hommes que l'on rencontrait souvent, après la guerre l'armée où la marine était souvent la seule alternative. Confronté dans certains cas à l'horreur, ils ont souvent perdu leurs illusions, mais pour certains d'entre eux une conscience politique et syndicale s'est développée. Son frère aîné étant mort, c'est à lui selon la tradition de « reprendre la charrue ».Iwan, son copain d'enfance, ils ont été maquisards à des degrés différents, lui n'a jamais quitté la ferme familiale, il est né et il mourra là, rivé à la terre qui l'a vue naître.Denise, la petite fille dont il fut le confident durant plusieurs années, elle a 19 ans maintenant, elle lui avoue l'avoir toujours aimé, même dans sa plus tendre enfance.
Une écriture à mi-chemin entre poésie et militantisme pour réveiller les consciences. On retrouve dans ce roman une des constance de la littérature bretonne de l'époque, pourquoi se battre au Vietnam ou en Algérie contre des causes qui tôt ou tard seront perdues! La vie simple d'un monde paysan qui se meurt avec l'enquête d'un homme qui veut comprendre pourquoi un homme admiré fut exécuté , il cherche également une explication à la lâcheté des témoins. Mais cela est-il nécessaire?Des dialogues d'une pudeur extrême, très proches du langage parlé que j'ai envie de lire à haute voix, fait de phrases très courtes. Une certaine réserve qui font que les retrouvailles paraissent toujours très froides, ne pas voir un ami depuis plusieurs années , et l'accueillir comme si on s'était quitté la veille, aller boire un coup en oubliant que le temps a passé. Ne rien dévoiler et ne rien demander.
Immanquablement, en lisant ce roman, il est normal de le mettre en parallèle avec l'excellent livre d'Hervé Jaouen « Au dessous du calvaire » au moins pour la partie concernant la fin de l'occupation allemande en Centre-Bretagne.Glenmor est très dur avec les faux résistants qui se sont mis à fleurir, quand tout danger était passé! Il rappelle les vols, exactions en tout genre et même les exécutions sommaires.
Un hommage à un monde paysan dont il faisait partie, mais sans en oublier les fautes dans une période très troublée, où régnait la loi du plus fort et du plus malin . Le meilleur livre de Glenmor que j'ai lu à ce jour. Il est vrai que je suis loin d'avoir épuisé sa bibliographie. Et un des plus forts de cette année! Éternelle question, faut-il être Breton pour lire ce livre?
Extraits:
- Il quittait naguère un pays de talus, de clos, de lourdes branches et retrouvait une terre déshabillée, grelottant aux froids de mars.
- Le pauvre ne choisit jamais ses dieux.
- Le cafard? Tu traînes tes sabots comme la charité traîne la misère.
- Quand ce n'est pas les Allemands, c'est les maquisards. Ils volent même l'argent.
- Sa mère avait perdu ses habitudes de monologuer. Quand au père, son caractère taiseux s'était encore renforcé.
- ... toute une voyoucratie, sous couleurs de patriotisme, s'adonnait au vandalisme, à une soi-disant épuration.
- « Chacun porte le nom que lui donne sa naissance. Pourquoi renierait-il l'habit de son clan? »
- ...les bretons gardent mémoire de leurs anciens évêchés, qui eux tenaient compte des diversités culturelles et géographiques de la presqu'île.
- Toute chose ici avait sa place. Lui, seul, avait déserté la sienne. Lui, seul s'était éparpillé hors-limite.
- Coupables et victimes. Dans les temps troublés les lois perdent leur absolu.
- « Pensez donc Mademoiselle Menant, me dit une parente d'élève, ils parlent breton même à leur chien »
- L'homme était fait pour naître et mourir et les bêtes pour être soignées. Ce qui expliquait que si le vétérinaire s'enrichissait, le médecin, lui, ne faisait pas fortune en campagne.
Éditions : Coop Breizh 1995
* Première phrase du roman.
Autres chroniques :
La férule
La septième mort
Le sang nomade
Sur Glenmor :
KERDRAON Mickaela : Kan Ha Diskan. Correspondance Grall-Glenmor.

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Commentaires
E
Bonsoir Alain.<br /> Glenmor fut pour moi, pendant des années, un chanteur, son côté écrivain était dans l'ombre.<br /> Un jour dans un livre, j'ai vu le nom de mon père, qui est décédé maintenant, et en interrogeant le reste de la famille, j'ai appris des choses qui, en plus, n'avaient rien de déshonorant, bien au contraire, mais dont on ne parlait pas! J'ai maintenant avec le recul voulu en savoir plus, mais le temps a passé et les personnes survivantes de l'époque sont de plus en plus rares.<br /> A bientôt.<br /> Yvon
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A
Beaucoup aimé aussi Glenmor le chanteur. Je ne connaissais pas non plus ses écrits. Ce que tu dis de ce livre, fait écho à des choses entendues dans ma famille..
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E
Bonjour Jean-Yves.<br /> Je n'ai hélas connu ni l'un ni l'autre, mais il me reste leurs écrits, alors je ne m'en prive pas.<br /> Ces livres nous posent des questions surtout sur le rôle passif des gens, car dans ce livre Glenmor ne parle pas de collaborateurs notoires, mais d'un homme dont le seul crime fut de défendre une culture qui lui tenait à coeur. Par contre Glenmor dénonce ce que l'on nomme « Les résistants de la dernière heure »qui sous prétexte de patriotisme se conduisirent comme des bandits de grand-chemin. Une époque à étudier pour rétablir certaines vérités. <br /> A bientôt.<br /> Yvon
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J
Bonsoir Yvon,<br /> Un barbu fait signe à un autre barbu comme vous, comme l'était Emile Le Scanff, alias Glenmor.<br /> Je l'ai bien côtoyé naguère, quand il était encore avec sa compagne Katell. Ils ont partagé ma table et bu du bon cidre... qui ne cotisait pas alors à la SS.<br /> L'évocation de "Les derniers feux de la vallée" me touche car elle force, non seulement les Bretons, mais tous, à se questionner sur une période qui n'est pas si éloignée de nous.<br /> Merci d'avoir évoqué mon ami Hervé JAOUEN.<br /> Hervé n'a pas connu Glenmor. Le regrette sans doute, peut-être. M'a-t-il dit un jour.<br /> Salut, là-Haut, Glenmor et Xavier. Je crois que vous êtes encore là, comme au temps de nos rencontres, en pays de BRETAGNE.<br /> Kenavo.<br /> <br /> JYB
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E
Bonsoir Sibylline,<br /> C'est étonnant car certains de ses livres furent édités à partir de 1975, et si ma mémoires est bonne je savais lire à cette époque!<br /> A bientôt.<br /> Yvon
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