BIHEU Jacqueline / 115 rue Boissy-d'Anglas
115, rue Boissy-d'Anglas.
Jacqueline BIHEU.
Note : 4 /5.
Paris s'éveille....!
Ayant travaillé plusieurs années Rue du Faubourg Saint Honoré, ce titre m'a interpellé au printemps des écrivains de Guidel qui se tenait ce 6 avril. Après avoir parlé avec l'auteur, je me suis laissé tenter bien que cela ne me paraissait pas bien être dans mes préférences littéraires. Ne cherchez pas le 115 de cette rue, il n'existe pas, l'auteur l'a inventé de toute pièce (de toute suite pour un hôtel!).
Dans une chambre, une femme se réveille péniblement d'une nuit, qui aurait dû être une nuit d'amour, son amant dort. Elle a décidé que ce serait la dernière nuit. Des mois qu'elle y pense et qu'elle s'y prépare. Il est temps de partir maintenant, après il sera peut-être trop tard. Elle regarde Romain dormir, voudrait partir avant son réveil, mais elle se presse lentement, se parle dans le miroir et fait le bilan de cette liaison. Est-elle réellement prête à cette rupture? Que reste-t-il des premiers temps d'une folle passion sexuelle plusieurs années après? Un amant vieillissant que son poste de cadre supérieur dans une grande compagnie d'état contraint à de fréquents déménagements. La narration de la vie des principaux personnages se croisent, le puzzle de plusieurs existences, leurs points de rencontres et aussi leurs points de ruptures se déroulent sous nos yeux .
Romain Baratin (cela ne manque pas d'humour!) est décrit par Clémentine comme un homme lâche, blessant sans états d'âme. Profiteur et jouisseur , il n'a aucun remord, comme si tout lui était dû. Misant tout sur sa carrière et les avantages que cela lui procure, il laisse son ménage au second plan de ses aspirations. L'alcool aidant, ses pannes sexuelles se font plus rapprochées. Mais ses apitoiements sur lui-même lui donnent bonne conscience, ses promesses ne durent que le temps que durent les roses. Un être peu sympathique au demeurant, mais, qui malgré cela, collectionne les conquêtes.Clémentine, sa maîtresse, a trouvé dans un moment de solitude profonde ce qu'elle pensait être l'homme qui lui redonnerait goût à la vie et confiance en elle, et aussi une plénitude sexuelle. Mais cet homme jaloux va petit à petit lui faire perdre la mesure, la meurtrissant physiquement et l'humiliant moralement. Aura-t-elle le courage de le quitter? Elle est à la fois attendrissante et agaçante. Mais c'est ainsi!Anne Marie, son épouse, est prévenue par une lettre anonyme, à la Réunion où il vivait de la liaison de son mari avec une journaliste mère de famille. Femme forte, mais elle se réfugiera dans le silence, jouant, elle le reconnaît à l'autruche.
Un certain air de ressemblance avec « Chambre 411 » de Simona Vinci, mais en plus prenant. Une belle écriture et des personnages de femmes surtout, très attachants. Mais que de faiblesse et d'inertie chez Clémentine, qui est capable de manifester au sein d'un syndicat, mais accepte cette liaison sans espoir. Un constat social fait aussi le charme de ce roman. La machine à broyer l'homme est en marche, les surcharges de travail, le règne du « marche ou crève ». L'auteur par ce biais rend l'histoire plus actuelle, sortant de l'éternelle histoire d'amour. EDF-GDF en prend pour son grade dans la déshumanisation du travail « Travailler plus pour que certains gagnent plus ». Car de l'amour il y en a, mais il n'est pas réciproque hélas. Une belle découverte, et auteure à suivre donc.
Un dernier mot, je trouve que la présentation générale de ce livre est très soignée et très belle.
Extraits:
- Son corps crispé se redressa comme celui d'un animal blessé.
- Sa gorge était desséchée comme un oued.
- Il lui était apparu si sincère!
- Pour tout ce qui la concernait, elle s'en était remise à Romain.
- ...un Casanova de village à la plume figée, un inspirateur de passion qui n'avait su ni aimer, ni se faire aimer.
- A vrai dire il en parlait comme un médecin légiste qui tentait de disséquer l'insondable.
- Que leur restait-il à partager?
- Qui était-elle? Que faisait-elle? Peut lui importait! Il ne voulait pas s'attacher pour la vie.
- La convoitise est tellement plus délectable que la possession!
-...union intime célébrée dans l'église de Guebwiller, dédiée à Saint Léger....
- Cette femme là pouvait-elle devenir sa maîtresse ?
- Ainsi commençait à se mentir Romain Baratin.
- Mais les amants n'en étaient pas encore là.
- Une vie exempte de soucis matériels, sa présence, eh oui tout de même...!
- Il avait bien compris, ce Bonaparte de pacotille, que l'argent était un formidable levier pour manoeuvrer les consciences!
Éditions: Liv'Éditions. ( 2006)