Lu dans le cadre de la Saint Patrick
Mon traître
Sorj CHALANDON.
Note : 3,5 / 5.
Pourquoi?
L'auteur qui fut reporter en Irlande du Nord pour « Libération » à l'époque où certains journaux étaient encore présents à Belfast.
Il nous livre ici une version romancée de la vie de Denis Donaldson, membre du Sinn Fein qui fut en réalité pendant vingt ans un espion du gouvernement britannique. Nul ne sait réellement pourquoi il a trahi!
Un parisien, homme plutôt austère que sa femme a quitté, aime se rendre en Irlande. Un jour quelqu'un lui dit, si tu veux connaître l'Irlande il faut aller au Nord. Petit à petit grâce à la musique il s'introduit dans la mouvance républicaine de Belfast. Il rencontre des activistes dont Tyrone Meehan avec qui il entretient des relations ambiguës. Puis il prête une chambre à Paris à des irlandais de passage, il sert de passeur pour de l'argent. Nous suivons donc cet homme dans cette période agitée de l'histoire de l'Irlande et de la Grande-Bretagne. De Bobby Sands aux accords du Vendredi Saint.
Si le côté historique est bien rendu et peut amener quelques néophytes à s'intéresser au problème, le côté roman est très anecdotique.
Antoine, luthier, s'engage dans la cause républicaine, dommage que ce personnage soit peu crédible, trop naïf et qui semble uniquement être là comme faire valoir au personnage principal du livre Tyron. Il en est en quelque sorte le narrateur admiratif, puis consterné, par exemple lorsqu'il découvre que tous les irlandais de passage à Paris ont été arrêtés après qu'il les ai désignés à Meehan.
De celui-ci, nous suivons le parcours militant depuis de longes années, sa seule défense est « J'ai été compromis » pourquoi et par qui? Nul ne le saura jamais, à moins que ses assassins aient réussi à le faire parler et là encore ils ne s'en vanteront pas. Quelle vie a eu cet homme pendant toutes ces années?
John O'Leary est pour moi un des personnages les plus sympathiques de ce livre, il fait partie des victimes de l'Histoire. Son fils a été tué par les forces de l'ordre, il sera lui victime de sa propre bombe. Et comme toujours la victime sera Cathy, l'épouse et la mère qui quittera cette ville. Comme Sheila, l'épouse de Meehan qui elle aussi se retrouvera seule.
Il faut noter que le choix des noms n'est pas, il me semble, fortuit, John O'Leary (1830/1907) est un des premiers prisonniers politiques irlandais ou du moins le plus célèbre de l'époque, il fut également écrivain et William B.Yeats avait beaucoup d'admiration pour lui.
Le prénom Tyrone évoque le Tyrone qui est un fief de L'I.R.A. Ce comté paya un lourd tribut à la lutte armée, plus de 50 de ses volontaires périrent au combat.
A noter que la majorité des lecteurs qui ont fait des chroniques pour ce livre, s'étonne de l'engagement de cet homme dans un combat qui n'est pas le sien. Je pense que pour les gens de ma génération (60 ans et plus) qui avons suivi «Les Troubles » pendant des décennies, il est acceptable que certains soient passés à non pas la lutte armée, car l'I.R.A., malgré la présence dans ces rangs de non-Irlandais, n'a jamais accepté qu'ils participent à une quelconque opération militaire, mais à un militantisme engagé.
L'atmosphère de Belfast, ville en guerre, est, je trouve, très bien rendue, mais comme je le craignais, la réalité dépasse et de loin la fiction.
Un livre qui laisse une impression étrange, ne sachant pas s'il doit être un témoignage ou un roman. Mais il est surtout la narration de la désillusion d'un homme.
Extraits:
- Les musiciens chantaient la guerre. Une chanson rebelle, avait dit Jim
- Le « Soldier Song » fut mon premier repaire.
- Les soldats britanniques devenaient ainsi ombres, et donc cibles, et donc morts.
- Il détestait l'Angleterre parce qu'il aimait l'Irlande.
- C'était une mélodie de guerre. Un monde soudain. Les armées bretonnes jetées contre les remparts de Montparnasse.
- Devant moi, chaque Irlandais portera un jour ce masque de guerre.
- Un autre répète « Nos gars sont là » en clignant de l'oeil tout autour.
- J'en veux à ces salauds pour ce qu'ils ont fait de nous. Je leur en veux parce qu'ils nous ont obligés à tricher, à mentir et à tuer. Je déteste l'homme qu'ils ont fait de moi, a encore dit Tyrone Meehan.
- Tu étais Antoine, te voilà Tony, a ri Tyrone Meehan.
Et j'ai ri aussi.
- A qui l'I.R.A. pouvait-elle rendre les armes? Elle n'était ni vaincue, ni exsangue. Il n'était pas question de reddition militaire mais de courage politique.
- Mon Irlande était du sable.
Éditions : Grasset.
17 mars 2008
CHALANDON Sorj / Mon traître.
Commentaires sur CHALANDON Sorj / Mon traître.
- je crois que ce livre à force d'osciller entre témoignage et fiction, déçoit souvent d'après ce que j'ai lu. Il ne me fait pas très envie du coup maintenant
- Eh bien pour moi, ce fut un coup de coeur. Tout comme "Une promesse", son second roman. J'aime son écriture simple et qui pourtant évoque de fortes images pleines d'émotions. Je n'ai pas trouvé Antoine peu crédible. c'est un rêveur, un idéaliste qui s'est trouvé une cause qui lui tient à coeur. Mais je comprends que cela puisse paraître étrange. Une belle découverte en somme. Je crois que j'ai tout simplement accroché au style de l'auteur.
- Réalité et fiction!Bonjour La Liseuse.
Je ne sais plus où j'avais écrit que cette fiction serait loin de la réalité de la vie de Denis Donaldson.
Par contre, je ne condamne pas du tout son engagement car je dis ceci :
"A noter que la majorité des lecteurs qui ont fait des chroniques pour ce livre, s'étonne de l'engagement de cet homme dans un combat qui n'est pas le sien. Je pense que pour les gens de ma génération (60 ans et plus) qui avons suivi «Les Troubles » pendant des décennies, il est acceptable que certains soient passés à non pas la lutte armée, car l'I.R.A., malgré la présence dans ces rangs de non-Irlandais, n'a jamais accepté qu'ils participent à une quelconque opération militaire, mais à un militantisme engagé".
Je serai personnellement très mal placé pour ne pas le comprendre et l'approuver.
A bientôt.
Yvon - Enthousiasme!Bonjour Valériane.
Bravo pour ton enthousiasme, (que je ne partage pas tout à fait) qui j'espère sera contagieux.
J'ai aimé ce livre, mais sans plus. Je pense que l'auteur a voulu régler ses comptes avec lui-même et avec l'Irlande. Il faut aussi avoir en mémoire les répercussions politiques de cette affaire, rocambolesque par certains de ses aspects.
A bientôt.
Yvon - J'ai écouté pas mal d'interview de Sorj Chalandon mais le dernier entendu ce dimanche sur France Inter éclaire bien ses motivations pour l'écriture de "Mon traître". Vous serez peut-être aussi intéressé de l'écouter sur http://sites.radiofrance.fr/franceinter/em/eclectik_dim/index.php
A bientôt - je vois très tardivement cette chronique, mais elle me parle parce que je rejoins ton avis ( et ta note) pour la raison suivante : Antoine, supposé être le personnage principal, ne m'a pas convaincue non plus, je trouve qu'il manque de charisme...Ayant lu ce livre l'hiver dernier pour les raisons que tu devines, j'ai vu de beaux passages mais je n'ai pas accroché aux personnages en général..., je m'étonne d'ailleurs des critiques enthousiastes - voire davantage- dont il a fait l'objet...Tu résumes ici parfaitement l'opinion que j'ai de ce livre et que je parvenais difficilement à formuler : "Antoine, luthier, s'engage dans la cause républicaine, dommage que ce personnage soit peu crédible, trop naïf et qui semble uniquement être là comme faire valoir au personnage principal du livre Tyron". Je te souhaite un automne agréable, ainsi qu' à ton épouse, amicalement, laurence.
- Bof!!!!!!!!!!!!!Bonjour Laurence.
Pour ce livre je pense que la réalité était assez édifiante pour ne pas savoir, ou faire un essai sur le cas Danielson (et ses répercussions) ou faire un roman qui est très en deçà de la vérité.. Je suis comme toi, déçu par ce livre !Une suite est parue récemment qui recueille aussi des éloges !
Bises et à bientôt.
Yvo - bonjour Yvon,
oui, fait du hasard, je constate en feuilletant les journaux que la suite de ce roman fait partie ( selon quel classement ??) des
" incontournables" de la rentrée littéraire 2011...Je suis sceptique sur celle-ci, ayant lu 'mon traitre' et pas trop apprécié, bien que la présentation de ce nouveau roman paraisse plus attrayante. Le label ' prix Albert Londres' semble accorder de la légitimité au journaliste S.Chalandon sur la place parisienne... mais "quid" de l'auteur du même nom ? A suivre ...toutefois. - Rentrée littéraire !Bonjour Laurence.
J'ai été un peu comme toi, je crois, assez déçu par « Mon traitre », je vais donc attendre que ce nouveau titre soit disponible à la médiathèque.
Orangeman !
Un bon recueil de nouvelles d'un auteur qui gagne à être connu, j'ai parfois pensé à « La rue et autres nouvelles » de Gerry Adams....
Bon vent à ton nouveau roman « Larmes rouges sur Belfast » qui est dans mes prochaines lectures.....
Bises.
Yvon
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