BUTLER Robert Olen / Un doux parfum d'exil
Un doux parfum d'exil.
Robert Olen BUTLER.
Note : 5 /5.
Un parfum d'amertume, parfois!
Butler est un des écrivains américains connaissant le mieux le Vietnam et les conséquences de la guerre.
Ici, dans cette quinzaine de nouvelles, il s'intéresse aux réfugiés, aux exilés qui pour beaucoup de raisons ont quitté leur pays.
Nord-Sud, catholiques-bouddhistes, les multiples visages du Vietnam dans l'exil. Un nom de ville revient souvent "Versailles" dans le comté de la Nouvelle-Orléans. En Louisiane un homme se souvient en avoir connu un autre dans un camp de l'armée australienne, il avait perdu sa femme, une séance de cinéma le poussera au crime puis au suicide. "Mr Vert" est un perroquet, cela vit vieux ces oiseaux-là!Vous faites des centaines de kilomètres en voiture pour aller chercher le grand-père de votre épouse, et celui-ci, arrivé chez vous, vous annonce qu'il n'a jamais eu de petite-fille!
Dans "Un conte de fée" la désolante naïveté d'une entraîneuse passant de Saïgon à la Nouvelle-Orléans avec une candeur touchante. Mais pour elle, les pommes n'auront pas de pépins.
Pratiquement toutes ces nouvelles parlent de l'américanisation à outrance des jeunes, perdant souvent le contact avec leurs parents. D'autres se penchent sur les problèmes spécifiques des métis, américano-vietnamiens, le père vivant aux U.S.A et la mère et l'enfant au Vietnam.
Le sort des ex-politiciens corrompus est parfois lui aussi évoqué. Des hommes et des femmes abandonnant leurs cultures et leurs traditions, s'intégrant dans "l'American Way of Life" devenant pour certains plus américains que les américains.
"La neige" est une belle histoire, une vietnamienne bouddhiste, un juif polonais et une fête chrétienne Noël. Et une fin heureuse.
Mais quelque part, même bien cachés les souvenirs sont là, et avec eux la nostalgie et le regret, d'avoir perdu un pays et un art de vivre. Entre l'égoïsme américain et le respect des traditions, comme accueillir chez elle son grand-père, cette femme perdra le seul lien avec son pays natal. Si la Louisiane ressemble parfois au Mékong, les grillons ne sont pas les mêmes d'un pays à l'autre, donc vous n'amuserez pas votre fils en lui parlant de combats de ces petites bêtes. Faites vos jeux (télévisés), rien ne va plus, semble dire la narratrice de "Le couple d'américains" long récit de 90 pages où nous rencontrons, Liz Taylor, Richard Burton et Sue Lyon, sur le tournage de "La nuit de l'iguane".
J'ai toujours aimé les écrits de Butler (quoiqu'un peu moins "Mr Spaceman") ce recueil de nouvelles me conforte dans mon idée. On sent malgré tout à la lecture de ces histoires, les différences entre les Vietnamiens, religieuses en particulier, beaucoup en effet sont catholiques. Supposées (?) différences aussi entre ceux du Nord, sérieux et travailleurs et ceux du Sud, paresseux et avides; aux yeux de ceux de l'autre bord.
Un excellent recueil pour une initiation à cet écrivain.
Extraits :
- Il n'y a qu'un fils qui puisse présider au culte des ancêtres.
- Nous sommes tous ainsi au Vietnam. Nous honorons nos familles.
- Il est d'usage chez les Vietnamiens, surtout ceux de la vieille école de taire ce qui est désagréable à entendre.
- C'est une très bonne voiture, et je me retins de lui dire que c'était une japonaise.
- Peut-être que certains hommes gardent de bons souvenirs des filles du Vietnam.
- Mais c'est une calamité d'être marié à une belle femme.
- Il ne parle pas un mot de vietnamien et ma femme me dit de ne pas se préoccuper. C'est un Américain.
- Mais ma toute petite, je suis contente que tu sois une fille. Tu vas me comprendre encore mieux.
- J'aurais bientôt cent ans, mais je sais encore lire sur le visage d'un homme.
Éditions :Rivages (1994).
Titre original: A good scent from a strange mountain.
Autres chroniques de cet auteur :
La nuit close de Saigon.
Mr Spaceman.
Tabloids Dreams.