BENOTMAN Abdel-Hafed / Les forcenés.
Abdel-Hafed BENOTMAN.
Les forcenés.
Note : 4 / 5.
Horreur, ô désespoir!
Quand l'avant-propos d'un livre est de Robin Cook et sa préface de Jean-Hughes Oppel, il y a peu de chance que ce livre fasse partie de la bibliothèque rose. Ici la couleur dominante, c'est le noir, absolu, glauque et profond. Écrivain algérien, né à Paris en 1960, il passa une partie de sa vie en prison.
Recueil de 13 nouvelles datant de 1994, relativement court (170 pages), mais un concentré de récits cauchemardesques, parfois en demi-teinte.
Le mal de dent, ce n'est pas une sinécure, mais alors en prison, un peu avant une permission, c'est l'angoisse. Des enfants martyrs punis par la Sainte Inquisition ; le tribunal familial du dimanche, père et mère unis dans l'horreur. Le remords et la honte rapprocheront le frère et la soeur.
L'amour entre gens différents sous le regard des "dit-normaux" est une belle leçon de courage, mais peut aussi très mal finir.
Dans "La rechute", Suzanne est une femme désemparée qui cherche son mari partout, mais elle ne trouve au bout de la nuit que le meilleur ami de celui-ci.
Imaginez un soir à Paris, un jeune homme, un peu teigneux, une jeune fille paumée, celle-ci lui demande : "Veux-tu me rendre service? Bien sûr, répond le garçon!" Quelle connerie la vie!
Beaucoup de lucidité dans "Bénéfice" même si tout n'est pas acceptable, une nuit d'amour sans lendemain devient un voyage initiatique.
Une chatte qui tombe d'un toit transforme un homme en tueur sadique. Un prisonnier, des parents bourreaux et des enfants victimes, un dessinateur-sculpteur qui tranche dans le vif du sujet, sont quelques-uns des personnages relativement "infréquentables" de ce livre, mais ils ont toujours un côté humain malgré tout. Cet homme avec un bouquet de fleurs dans un café de Province, il dit "Avoir rendez avec le cimetière". Pleins de prévenance, ce seront les gendarmes qui l'accueilleront, lui et sa valise. Deux truands, des vieux de la vieille, reprennent du services et des années de prison.
Des nouvelles au goût de cendre, des récits âpres qui révulsent.
Un livre très fort, plein de mystères, des fins laissant une part à l'imaginaire, une découverte, mais attention certains passages ne laissent pas indifférents.
Extraits :
- En cinq ans de détention, je venais de perdre ma sixième dent.
- Les dents sont des organes de la nuit et, comme le souvenir des femmes, réclament la morsure de la solitude.
- L'index fouillant l'encrier de son anus, il avait calligraphié le nom : DIEU.
- La cruauté de la mère ajoutait à la violence du père et Dieu gouvernait tout.
- Elle était pour un frère, non pour un mari! Plus d'autres pères!
- Elle s'appelait Nathalie et moi, Francis. Nous voulions vivre.
- Elle était comme un mât inversé qui aurait tenu le sol.
- Il n'y a pas de justice, il n'y a que des lois et j'en suis hors depuis l'âge de 15 ans.
- Mon métier, car c'en est un, c'est l'attaque à main armée.
- Elle m'a condamné à vingt ans de réclusion criminelle. Et je l'aime encore....
Éditions : Rivages/ Noirs